Le Stade Rennais, le club de la Bretagne ou le club du pays Gallo ?

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Le Stade Rennais, le club de la Bretagne ou le club du pays Gallo ?

Brieuc Bisson, Maître de conférence en géographie, Université Rennes 2

Bonjour à tous, aujourd’hui dans Cartes et Sociétés, je vais vous parler du Stade Rennais.
Présent en première division puis Ligue 1 sans interruption depuis 1993 le club s’impose depuis une décennie en terme de résultat comme le club phare de l’ouest de la France, se qualifiant régulièrement pour les coupes européennes. Le Stade Rennais reste ainsi sur une série de 6 qualifications consécutives en coupe d’Europe.
Mais cette dimension nationale et européenne prise par le club n’empêche pas de questionner son aire d’influence régionale et par ricochet son image et son identité de club breton. C’est cet enjeu de l’aire d’influence et de l’image du Stade Rennais que nous allons aborder aujourd’hui.

On peut commencer par constater qu’une des particularités du stade rennais est de s’inscrire dans un territoire, l’ouest de la France, où les clubs professionnels de foot sont particulièrement nombreux. Notamment eu égard à d’autres régions de France où la concurrence est beaucoup moins forte, on peut penser par exemple au sud-ouest de la France, ou au Centre de la France. A l’échelle de l’ouest de la France (Normandie et Pays de la Loire inclus) on compte ainsi pas moins 10 clubs professionnels ayant fréquenté la Ligue 1 ou la Ligue 2 lors de la dernière décennie ; Rennes donc mais aussi Guingamp, Lorient, Nantes, Angers, Laval, Le Mans, Caen – tous à moins de 150 km de Rennes – plus Le Havre et Brest – auxquels on peut ajouter Vannes qui a fait une apparition furtive en Ligue 2 au début de la dernière décennie, ainsi que Concarneau, montée en 2023 en Ligue 2.
Au sein de ce dense bassin de clubs professionnels le Stade Rennais s’impose largement comme dominant du point de vue des résultats sportifs depuis deux décennies. Il est le seul à être resté continuellement en Ligue 1 sur la période, et depuis la saison 2003-2004 soit 20 saisons, il s’est classé 15 fois premier des clubs de l’ouest de la France au classement final du championnat. Seul le FC Lorient à 3 reprises et le FC Nantes à 2 reprises sont venus briser l’hégémonie rennaise.
Dézoom et revenir à l’échelle nationale – A l’échelle nationale le Stade Rennais s’impose également comme un rare club à avoir participé à au moins 5 reprises à la coupe d’Europe lors des 10 dernières saisons tout en étant resté en Ligue 1, aux côtés des incontournables que sont le Paris Saint-Germain, l’Olympique de Marseille, l’Olympique Lyonnais ainsi que de l’OGC Nice et le LOSC. Monaco, Saint-Etienne et Bordeaux étant aussi dans ce cas mais étant descendu en seconde division sur la période. »

On est donc bien face à un club dominant à l’échelle de l’ouest de la France en terme de résultat, qui s’installe même depuis une décennie comme un des meilleurs clubs français, soutenu en cela par les investissements de la famille Pinault, seul propriétaire du club depuis 1998.
Mais si cette domination est indéniable dans les résultats, quand est-il de l’aire d’influence du Stade Rennais ?

Pour répondre à cette question nous partons du travail de Matthieu Garnier, qui s’est basé sur les données X, ex-twitter, pour identifier des aires d’influence au sein desquelles les clubs de football français avaient une majorité de followers sur le compte officiel X , ex réseau twitter, du club – faire apparaître les zones avec l’écusson des clubs correspondants – Cette carte nous montre bien que malgré les bons résultats du club l’aire d’influence du Stade Rennais entre en concurrence avec les autres clubs bretons, y compris avec des clubs aux résultats moins probants depuis une décennie comme l’En Avant Guingamp – même si les données datent de 2018 – une époque où Guingamp était en Ligue 1. Cette aire d’influence est très nette en Ille et Vilaine et déborde légèrement sur l’est des Côtes d’Armor le nord-est du Morbihan et le sud-ouest de la Manche.

Si l’on s’attache à la limite linguistique historique entre le Gallo et le Breton – soit une zone plus ou moins large allant de St Brieuc à Vannes séparant une aire bretonnante à l’ouest et une aire gallèsante à l’est – l’aire d’influence du Stade Rennais est clairement celle du Pays-Gallo. Cette identité gallèse n’est pas absente du Stade Rennais, le symbole en étant la galette saucisse – spécialité culinaire du Pays Gallo, longtemps chantée par le Kop du Stade Rennais dans la célèbre chanson « Galette Saucisse je t’aime ». Cependant aujourd’hui c’est bien une identité bretonnante qui est mise en avant à outrance par la communication du Stade Rennais. L’hymne breton – le Bro gozh ma zadou – est diffusé au début de chaque match et les paroles sont diffusées sur grand écran depuis 2009 et une finale de coupe de France 100% bretonne entre le Stade Rennais et l’En Avant Guingamp où Alan Stivell avait repris cet hymne breton. Si la greffe a relativement pris et que ce moment fait désormais partie du rituel d’avant match il n’en reste pas moins que les locuteurs de bretons sont extrêmement minoritaires dans le stade et que personne ou presque (à l’exception du Kop) ne chante l’hymne breton malgré la présence des paroles sur les écrans géants du stade. On est loin du Never Walk Alone d’Anfield à Liverpool ou de Celtic Park à Glasgow. Autre marqueur fort le nom même du stade – renommé en 2015 après une consultation populaire le « Roazhon park » soit le nom de Rennes en breton.

Les symboles bretons sont omniprésents dans le stade. Ici lors d’un avant match d’un derby entre Rennes et Nantes on remarque la présence des deux drapeaux bretons dans le stade l’historique Kroaz du à droite et le Gwen ha du à gauche. Le maillot extérieur du stade rennais s’inspire d’ailleurs souvent de ces drapeaux ici un maillot largement inspiré du Kroaz du en 2011/2012 et un maillot largement inspiré du Gwen ha du en 2023-2024. Autre élément identitaire bretonnant fort c’est le nom du Kop, le principal kop de supporter rennais s’appelle en effet le RCK pour Roazhon Celtic Kop. C’est bien ici une identité bretonne bretonnante qui est mise en avant.

Alors comment expliquer ce paradoxe d’un club à la base de supporters issus du pays gallo mais à l’identité bretonne bretonnante ?
Première explication, la dimension historique, dans les années 1960 et 1970 le Stade Rennais était à la fois le club de la capitale de la Bretagne et le seul club professionnel breton. De fait la culture bretonne bretonnante, qui se réaffirmait dans ces années 1960 et 1970, a pu se saisir du Stade Rennais comme porte drapeau de la Bretagne et d’une Bretagne de nouveau dynamique. Ainsi le drapeau breton a été largement utilisé et affiché lors des victoires en coupe de France de 1965 et 1971.
Seconde explication, une dimension marketing « opportuniste » visant aussi à élargir la zone d’influence en club vers des espaces à l’identité bretonne bretonnante plus marquée et ainsi à s’affirmer comme « le club de la Bretagne ».
On note ainsi que cette affirmation d’une identité bretonne bretonnante correspond aussi aux périodes de domination sportive du Stade Rennais à l’échelle bretonne, les années 1960-1970 et les deux dernières décennies.
Ce qui nous invite aussi à mettre aujourd’hui en question la « fabrique de l’identité bretonne » – sujet aujourd’hui de nombreux débats et de nombreuses controverses comme nous l’a rappelé l’exposition « Celtique ? » du Musée de Bretagne en 2022.
Au final si le Stade Rennais joue à fond la carte de l’identité bretonne et de club de la Bretagne il semble bien que son bassin de supporter en face surtout le club du Pays Gallo.

Alors, le Stade Rennais : club de la Bretagne le club du Pays Gallo ?
Ainsi s’achève ce numéro de « Rennes un territoire mosaïque en carte » je vous invite bien sûr à suivre les actualités de l’Atlas social de la métropole rennaise sur le site de l’atlas dont le lien est disponible en description ci-dessous , ainsi que sur les différents réseaux sociaux de l’université Rennes 2.
A bientôt.