Au moment où la France paraît céder aux sirènes du thatchérisme, une majorité de Grands Bretons a voulu «reprendre le contrôle» sur son destin, au risque de réveiller de vieux démons xénophobes auprès de l’Anglais-né-libre – vieux mythe permettant de mieux comprendre pourquoi les angoisses des laissés-pour-compte de la désindustrialisation du Nord peuvent résonner, malgré la contradiction a priori avec les antiennes scandées par une partie de l’establishement méridional globalisé, ce qui n’est pas sans rapeller les alliances socialement improbables écloses lors des épisodes de réveils religieux. Bref, et on l’aura compris, les catégories auxquelles nous sommes accoutumés de ce côté-ci du Canal fonctionnent assez mal de ce côté-là. Par-delà les clichés et les représentations, l’étrangeté anglaise est non seulement une source d’intérêt sociologique ou économique, mais, dans le cadre strictement historique français, n’oublions pas que Voltaire, Guizot, Halévy ou Siegfried… ont renouvelé la discipline par le prisme anglais. Alors, précurseurs d’une nouvelle souveraineté ou victimes collectives d’une erreur de temporalité, nos voisins d’outre-Manche ? L’avenir le dira ; en attendant, regardons quelques moments historiques de cette identité.
Patrick Harismendy
Professeur d’histoire contemporaine
Université Rennes 2