Pour ce cycle de conférences Cours publics 2024-2025 la thématique abordée sera, HYBRIS : quand clio perd la tête

Au terme du Sophiste, dialogue progressant par alternatives successives, le contradicteur de Socrate soutenait que le « non-être », inverse de l’ « être », était le néant. Ce à quoi le philosophe répondit qu’une essence du « non-être » existait en un « autre chose », lié à la faculté même de le nommer. En 1985, Paul Ricoeur prononçant au grand amphithéâtre de la Sorbonne une conférence clôturant les réflexions sur la Révocation de l’Édit de Nantes (1685) avait montré comment les intolérances politicoreligieuses passant aux conflits ethnoreligieux et, mutant du culturel au racial, purent servir d’alibi aux anéantissements de masse du 20e siècle, saisissant l’auditoire d’un défi esquissé quelques années plus tôt par Hannah Arendt : peut-on penser l’in-nomable ? En notre contemporanéité de nouveau tragique où les mots se fanent et se perdent dans une sorte d’amnésie syntaxique collective, le travail des historiens est plus que jamais crucial à pouvoir nommer le passé. En ce sens, les mots mis en Raison sont-ils à même de faire pièce à la déraison, ou faut-il s’en remettre au glaive de Persée – du moment qu’il ne s’agit pas d’une tronçonneuse ? Six historiennes et historiens, prenant à bras le corps des sujets lourds de sens, viendront éclairer des moments frappés au sceau de la démesure où se disputent mémoires, traumas, violence et gigantisme, tout en s’inquiétant au passage d’une instrumentalisation des mythologies bien mal réchauffées des origines.

Patrick Harismendy
Professeur d’histoire contemporaine
Université Rennes 2