« La découverte du Canada par le malouin Jacques Cartier n’eut pas de conséquences immédiates. La véritable date de la fondation du Canada français se place il y a juste quatre cents ans, en 1608, date de la fondation de Québec par Samuel de Champlain. la « Nouvelle-France » fut très tôt confronté à de multiples problèmes : à l’opposé de colonies britanniques, les colons manquaient, la rivalité des puissances attisa les conflits, la difficile pénétration, culturelle, religieuse, politique et commerciale dans les tribus indiennes engendra relations d’amitié et heurts sanglants.
Le XVIIIe siècle enregistra trois tournants majeurs : d’abord, la cession des provinces maritimes au gouvernement de Londres (1713, traité d’Utrecht). De la persécution britannique naquit le peuple acadien, à la si forte personnalité. La conquête britannique de 1763 marqua bien sûr une étape essentielle. La révolution américaine, quelques années plus tard, fut une autre date au moins aussi importante. Il n’y avait plus d’Amérique du nord britannique, mais une colonie lointaine où les colons français se trouvaient presque à égalité numérique avec les Anglais. Cette situation unique d’une colonie bilingue, biculturelle, pouvait-elle durer? Certains en doutèrent, parmi les Anglais d’abord. Mais le peuple canadien français, porté par son clergé, son taux de natalité élevé et son étonnante vitalité, survécut.
La France, après 1763, se désintéressa, apparemment, du Canada, au grand dam des francophones de « là-bas ». L’évolution politique chaotique de l’ancienne mère patrie au XIXe siècle compliqua encore les relations. L’éloignement de la France s’accrut après sa réconciliation définitive avec la Grande-Bretagne. Les Français, de leur côté, connaissaient mal l’évolution du Canada ; ils continuèrent (du moins, l’opinion publique) à voir en lui une colonie britannique bien longtemps après que la réalité coloniale eut disparu. Il fallut attendre les années d’après-guerre, la « Révolution tranquille » et la politique mondiale de Charles De Gaulle pour voir la France retrouver un intérêt majeur pour ses cousins séparés, intérêt réciproque qui n’a pas faibli depuis. C’est de cette histoire que nous voudrions vous parler cette année. »
Marc Gontard
Président de l’Université Rennes 2
Jean-François Tanguy
Maître de conférences d’histoire contemporaine et directeur du Centre d’études canadiennes