« Il y a un demi-siècle, la sociologie religieuse s’inquiéta des pratiques de la religion prescrite qui semblaient en péril. France, pays de mission, publié en 1943 par les abbés Godin et Daniel, n’avait pas peu contribué à provoquer la comptabilité des « gestes mesurables » de la foi. Quelques très grosses enquêtes statistiques plus tard, ponctuées de non moins saisissantes cartes – à commencer par celle du (futur) chanoine Boulard sur les pratiques religieuses dans la France rurale – il a fallu convenir que l’on en était encore à l’orée du for, que le qualitatif résistait au quantitatif. Depuis, Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ? de Paul Veyne, le Believing without belonging de Grace Davie en passant par les changements de Dieu révélés par Yves Lambert ou Jean Delumeau, ont illustré le caractère profondément contingent des croyances, leur historicité, leur volatilité aussi dans le cheminement personnel. Parce que ces questions sont complexes et souvent intimes, qu’elles touchent aux au-delà ou aux promesses d’ici-bas, les enchantements du monde ont suscité bien des débats. C’est pour les éclairer que ce cycle de conférences propose une appréhension large des croyances – parfois réduites de nos jours à des opérations de bricolage spirituel qu’autoriserait le soit-disant « marché du religieux » – sans vouloir en négliger ni les excès ni non plus les enthousiasmes plus inattendus. »
Patrick Harismendy
Professeur d’histoire contemporaine, Université Rennes 2