Pierre Olivier Monteil, philosophe à l’université Paris-Dauphine.
Nombre des problèmes que rencontre aujourd’hui le régime représentatif tiennent au fait qu’aux yeux des citoyens, l’origine démocratique du suffrage ne suffit plus à légitimer l’action des gouvernants. Se pose ainsi à ces derniers la question de savoir comment faire autorité dans l’intervalle entre les scrutins. Souvent, les hommes politiques pensent remédier à cette impuissance par une rhétorique qui invoque des menaces et des risques à déjouer ; mais on ne sait plus de quels biens ces maux sont l’envers.
Hobbes, penseur du gouvernement par la peur, permet d’y voir plus clair. Selon lui, pour que le citoyen puisse autoriser son représentant à gouverner, il faut qu’il puisse se reconnaître dans ce qu’il fait. Mais encore faut-il que le sens positif du bien commun puisse s’éprouver et se discuter au sein même de la société, ce que compromet aujourd’hui l’incivisme du tout-marché. En effet, la logique marchande entretient l’illusion que ce bien peut être obtenu chacun pour soi et sans que personne n’ait à obéir à personne.
Pour saisir le problème à sa racine, le retour de la confiance dans la Cité doit passer par l’entreprise, à travers des pratiques de pouvoir qui fassent autorité aux yeux des salariés. Cela suppose un mode de management qui fonde l’obéissance hiérarchique sur leur désir d’autonomie. En privilégiant, dans les manières d’agir, la quête du consentement plutôt que la réification d’autrui, le convivialisme propose ainsi de reconstituer, à partir du monde du travail, les conditions de la légitimité politique. Œuvrer pour que le vécu du travail rende le lien social désirable, c’est contribuer à un ordre collectif auquel on puisse librement adhérer et participer.
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