Stanislas Dehaene est ancien élève de l’École Normale Supérieure et docteur en psychologie cognitive. En septembre 2005, il a été nommé professeur au Collège de France, sur la chaire nouvellement créée de Psychologie Cognitive Expérimentale, après avoir occupé pendant près de dix ans la fonction de directeur de recherches à l’INSERM. Ses recherches visent à élucider les bases cérébrales des opérations les plus fondamentales du cerveau humain : lecture, calcul, raisonnement, prise de conscience. Ses travaux ont été récompensés par plusieurs prix et subventions, dont le prix Louis D. de la Fondation de France (avec D. Le Bihan), le prix Jean-Louis Signoret de la fondation IPSEN et la centennial fellowship de la fondation américaine McDonnell.
Les nombres dans le cerveau
Stanislas Dehaene est l’expert reconnu des bases cérébrales des opérations mathématiques, domaine dont il a été le pionnier. Il a conçu de nouveaux tests psychologiques de calcul et de compréhension des nombres, et les a appliqués aux patients atteints de lésions cérébrales et souffrants de troubles du calcul. Son travail a conduit à la découverte que l’intuition des nombres fait appel à des circuits particuliers du cerveau, en particulier ceux du lobe pariétal. Stanislas Dehaene a utilisé les méthodes d’imagerie cérébrale afin d’analyser l’organisation anatomique de ces circuits, mais aussi leur décours temporel, démontrant notamment dans un article paru dans Science en 1999 que le calcul approximatif fait appel à des régions partiellement différentes de celles du calcul exact. En collaboration avec le neurologue Laurent Cohen, il a observé de nouvelles pathologies de ces régions, qui conduisent certains patients « acalculiques » à perdre toute intuition du nombre. Il a également montré des homologies frappantes entre le traitement des nombres chez l’homme et chez l’animal. Ainsi, les fondements de nos capacités arithmétiques trouvent leur origine dans l’évolution du cerveau.
Les travaux de Stanislas Dehaene montrent que des pathologies de la région pariétale, d’origine traumatique ou génétique, peuvent exister chez l’enfant. Elles entraînent une « dyscalculie » – un trouble précoce du développement comparable à la dyslexie, mais affectant l’intuition du nombre. Le diagnostic, la compréhension et la rééducation de la dyscalculie, par le biais de logiciels de jeux éducatifs, constituent un des objectifs majeurs du laboratoire. Stanislas Dehaene a résumé ses recherches sur le cerveau et les mathématiques dans un livre à destination du grand public : La Bosse des maths (Éditions Odile Jacob ; Prix Jean Rostand en 1997), dont une édition révisée a été publiée en 2010.
L’impact de l’éducation sur le cerveau.
À la fin des années 1990, Stanislas Dehaene a étendu ses recherches sur l’arithmétique pour aborder la question plus générale de l’impact, sur le cerveau, de l’éducation aux symboles écrits. Ces recherches ont conduit à la découverte et à l’analyse, avec Laurent Cohen, de l’aire de la forme visuelle des mots – une région du cortex occipito-temporal gauche qui, au cours de l’apprentissage de la lecture, se spécialise pour la reconnaissance invariante de l’écriture. La comparaison du cerveau de personnes alphabétisées ou non a démontré que non seulement cette région, mais également certaines aires visuelles et auditives et leurs connexions, se modifient radicalement au cours de l’apprentissage de la lecture. Lecture subliminale et prise de conscience.
Stanislas Dehaene a réalisé les premières expériences d’imagerie cérébrale du traitement subliminal des chiffres et des mots. Ces expériences ont démontré que des mots ou des nombres présentés trop brièvement pour que l’on en prenne conscience activent néanmoins une série de régions cérébrales spécialisées. Est-il possible, dès lors, d’identifier des « signatures cérébrales de la conscience », c’est-à-dire des événements cérébraux spécifiquement présents lorsqu’une information sensorielle ou une opération mentale accèdent à la conscience ? Les recherches suggèrent que la prise de conscience d’un mot est associée à l’entrée en activité soudaine et coordonnée de multiples régions supplémentaires, notamment dans le cortex préfrontal.
Avec Jean-Pierre Changeux, Stanislas Dehaene développe des modèles mathématiques de cet « embrasement cortical » qui permet à l’information consciente d’être mémorisée et rapportée. Des applications cliniques aux comas et aux états végétatifs font l’objet d’une collaboration étroite avec le Dr. Lionel Naccache à l’Hôpital de la Salpêtrière.
Vers un déchiffrement des codes neuraux du langage.
Les recherches actuelles de Stanislas Dehaene tentent de repousser les limites de l’imagerie cérébrale. L’objectif est de déchiffrer le code propre à chaque région corticale et d’en comprendre l’origine au cours du développement. Imagerie cérébrale de la lecture, de la compréhension des phrases, du bilinguisme ; visualisation de l’activité du cerveau du nourrisson ; variabilité du cerveau d’une personne à l’autre. Dans ces domaines où l’imagerie cérébrale tisse des liens entre psychologie et neurosciences, les nouvelles recherches développées par Stanislas Dehaene et Denis Le Bihan au centre d’imagerie NeuroSpin du CEA à Saclay, ouvrent des perspectives renouvelées de compréhension du cerveau humain.